David Sénat

 

 

Vendredi 28 janvier 2011, un box tranquille au fond de la brasserie La Rotonde, à Paris. Bien qu’un peu trop couru, l’endroit est central, l’ambiance chaleureuse et la carte un admirable pied de nez au Dr Dukan… Ce sera notre QG. David Sénat, 46 ans, se faufile jusqu’à nous. L’œil aux aguets, la mine chiffonnée, l’ex-conseiller de Michèle Alliot-Marie semble à bout. Alors, il va parler, pendant des heures. Cet entretien sera suivi de plusieurs autres. Il va tout dire, pour la première fois, de son éviction, et des intrigues dont il a été le témoin – et parfois l’acteur – dans les coulisses du pouvoir sarkozyste. Cet homme sait beaucoup de choses. Trop ?

 

Il a perdu quelques kilos, des cheveux, et ses dernières illusions. David Sénat erre, soldat perdu de la magistrature, sans réelle affectation. Au purgatoire, pour une durée indéterminée – peut-être pour toujours. Il confie ses tourments à son psy, trouve refuge auprès de sa famille. La droite le honnit, la gauche s’en méfie. Il est un symbole que le pouvoir redoute encore. David Sénat connaît la date de ses funérailles professionnelles : le lundi 26 juillet 2010. « Ce jour-là, dit-il, ils m’ont fait disparaître du radar. » À la Chancellerie, où il est conseiller technique, on l’accuse, sur la base d’une enquête des services secrets, d’avoir pactisé avec la presse, à qui il aurait communiqué des éléments de l’affaire Bettencourt. Et surtout, d’avoir mis en danger le gouvernement, tant la position d’Éric Woerth, ministre du Travail, devenait impossible. Il a été débarqué dans la foulée.

Longtemps, David Sénat a pourtant été invisible. L’un de ces fonctionnaires que les journalistes croisent constamment, lors de conférences de presse ou à l’occasion de déplacements ministériels. Ce genre de type à qui rien ne saurait arriver, dont la trajectoire semble devoir être linéaire et transparente. David Sénat était pour tous cet homme ouvert, bienveillant, disert, suant sous le soleil d’Algérie à l’occasion d’une visite officielle, grignotant au coin des buffets d’honneur, toujours un dossier sous le bras.

Tout cela lui semble déjà si lointain… Terminés les voyages officiels, les journées et les nuits passées à plancher sur des projets de loi. Sa carrière est fichue, et il en a parfaitement conscience. « D’un point de vue extérieur, oui, elle est foutue. Mais je ne suis pas carriériste. En cas d’alternance, je n’irais pas me vendre à la gauche, j’ai fait sept ans de cabinet dans des gouvernements de droite. » L’affaire Bettencourt est passée par là. « Je suis désormais premier substitut au ministère de la Justice, dit-il, j’ai un bureau à Javel, je suis payé à ne rien faire. Je fais des photocopies. De temps en temps, on me file une mission, comme en mars 2011 sur l’exécution des peines. Lorsque j’interroge la Direction des services judiciaires, on me dit : “Non, non, vous n’avez rien à faire, c’est comme ça.” Cette affaire m’a paniqué, j’ai perdu près de dix kilos, je ne parlais même plus au téléphone à ma femme. Je vois toujours un psy. Il faut dire que le système est paranoïaque, clanique. Mes enfants ont morflé. Le pouvoir essaie de me saper, de me pousser au pire, surtout depuis que j’ai fait condamner Brice Hortefeux pour avoir piétiné ma présomption d’innocence. Et dire que mes enfants vont dans la même école que ceux d’Hortefeux… »

Ce lundi 26 juillet 2010, David Sénat, conseiller pénal de Michèle Alliot-Marie, la garde des Sceaux, reçoit la visite du directeur adjoint du cabinet de la ministre, Alexandre Jevakhoff. Ce dernier l’informe que les services secrets ont la certitude qu’il a communiqué au Monde des pièces de procédure dans l’affaire Bettencourt. « Il monte me voir dans mon bureau, raconte David Sénat. Il me parle concrètement des fadettes [factures téléphoniques détaillées] obtenues par le contre-espionnage. Il jubile. “Il y a eu des réquisitions, il y a même eu des écoutes”, me lance-t-il. Je lui réponds : “Que voulez-vous que je fasse, que je me jette par la fenêtre ?” Je lui demande aussi si cette enquête illégale ne le gêne pas. Je n’oublierai jamais sa réponse : “Tu as été au ministère de l’Intérieur, tu sais comment ça se passe.” Après sa visite, j’étais assommé. Comment, moi, j’avais été l’objet d’une enquête ? Je ne m’étais douté de rien… » David Sénat a compris, avec le recul, que tout avait été fait pour éviter au scandale Woerth-Bettencourt de prospérer. « Ils ont voulu mettre un terme à cette affaire, à son exploitation médiatique. Mais ils ne sont pas tombés sur moi par hasard, il y a eu un ciblage par le patron du contre-espionnage, Bernard Squarcini, dû à mes relations avec l’un de ses ennemis, le commissaire divisionnaire Jean-François Gayraud, un ancien de la DST… »

David Sénat a été déchargé de ses fonctions, sur instruction claire et directe de Nicolas Sarkozy. Sur la base tronquée d’une enquête confidentielle bâclée qui fait désormais l’objet d’une information judiciaire à Paris, après que Le Monde s’est constitué partie civile pour « violation du secret des sources ». Accusé sans preuve – un comble pour un magistrat – d’avoir aidé la presse, et donc en particulier Le Monde, dans l’affaire Bettencourt… Un crime de lèse-majesté, alors que le ministre du Travail, Éric Woerth, à l’été 2010, présentait une réforme cruciale, celle des retraites, dans laquelle le président de la République avait mis tout son poids. Il est vrai que l’affaire Bettencourt, plus que l’histoire d’un déchirement familial, c’est d’abord celle du financement de la droite française par la dynastie fondatrice du géant des cosmétiques, l’Oréal. Un dossier plus que gênant pour l’Élysée : Éric Woerth a longtemps été le trésorier de l’UMP. Et Nicolas Sarkozy un familier de l’hôtel particulier des Bettencourt, au cœur du quartier le plus cossu de Neuilly-sur-Seine. Un dossier si délicat que l’Élysée ne va pas craindre d’éliminer un magistrat suspecté d’être à l’origine de fuites embarrassantes pour le pouvoir. « Ils ont sacrifié la sentinelle Sénat, car c’était aussi un moyen de déstabiliser le commandant du camp, MAM… », glisse-t-il.

Jusqu’alors, avant d’être exfiltré vers une mission fictive de « préfiguration de la cour d’appel de Guyane », David Sénat était donc un simple substitut, magistrat lambda, homme d’une droite modérée. D’allure banale, toujours en costume-cravate, le crâne légèrement dégarni. Un bon vivant, passionné de football, père de deux enfants. Un fin juriste aussi, auteur de plusieurs livres. Dès 2002, il s’engouffre dans le sillage de Dominique Perben, avant de prendre la roue de Michèle Alliot-Marie, qu’il ne quittera plus jusqu’à son éviction. MAM, il ne l’admire pas vraiment, mais apprécie sa posture, sa droiture. Il la suit dans tous ses postes régaliens : ministère de la Défense (2002-2007), d’abord, puis l’Intérieur (2007-2009), et enfin la Chancellerie (2009-2010). Il est conseiller technique, toujours en charge de déminer les procédures à risques. C’est à David Sénat que revient le sale boulot. C’est son rôle : il fait à la fois office de filtre, de garde-fou et de rempart.

Au-dessus de lui, deux personnages clés : Alexandre Jevakhoff, directeur adjoint du cabinet. Avec une belle brochette d’autres personnalités, M. Jevakhoff figura, en 2003, sur les fameux listings Clearstream trafiqués par Jean-Louis Gergorin et/ou Imad Lahoud. Drôle de type, ce Jevakhoff. Tout Paris bruisse de rumeurs le concernant. Une procédure dans laquelle son nom est cité a même été gérée par le parquet de Paris, sur fond d’opérations immobilières dans les administrations. L’homme, ancien d’HEC et de l’ENA, est du genre téméraire. Une affaire, jamais ébruitée jusqu’alors, en témoigne. En 2009, il décida de saisir la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), afin d’enquêter sur l’éventuelle appartenance d’une magistrate, Alexandra Onfray, à l’Église de scientologie. Mme Onfray était à l’époque en poste au parquet du Tribunal aux armées de Paris (TAP). Cela ne dérangea pas M. Jevakhoff. Déjà, les services secrets furent mis à contribution, hors de toute procédure judiciaire. David Sénat ne s’est jamais entendu avec son supérieur. Il lui déconseilla d’ailleurs de saisir la DCRI dans l’affaire Onfray. Et tenta de bloquer quelques initiatives très privées de M. Jevakhoff, trop proche à son goût du petit monde des expatriés russes.

Il y a donc cet homme, au profil controversé, mais aussi une jeune femme, Ludivine Olive, nièce de Michèle Alliot-Marie. Elle a rang de chef de cabinet, et sa mission est d’organiser l’agenda de la ministre. En réalité, elle est avant tout là pour protéger sa tante. Cette dernière, d’une prudence proverbiale, s’est fixé pour règle de ne jamais intervenir dans quelque dossier que ce soit. Elle fuit les ennuis, rejette les risques, afin de se créer une trajectoire politique immaculée. Elle lorgne sur Matignon, qui serait le point d’orgue de sa carrière. Encore faut-il pour cela qu’elle ne soit pas mise en cause dans une affaire, la hantise de tout politicien un peu ambitieux. En 2004, pas de chance, apparaissent les germes du scandale Clearstream.

Son subordonné au ministère de la Défense, le conseiller pour le renseignement et les opérations spéciales (CROS) Philippe Rondot, est mandaté par Dominique de Villepin, alors au Quai d’Orsay, pour enquêter sur les fameux listings, qui contiennent, entre autres, les références bancaires de supposés comptes attribués à Nicolas Sarkozy. Le militaire en réfère à sa hiérarchie. Mme Alliot-Marie a-t-elle couvert la mission du général Rondot ? Elle jure que non. En tout cas, elle s’en sort de justesse et évite les foudres de Nicolas Sarkozy qui, pourtant, ne l’apprécie pas. Et c’est à Ludivine Olive, mais aussi à David Sénat, qu’elle doit d’être miraculeusement passée entre les gouttes. « Je suis allé au charbon pour elle, dans les affaires de Bouaké et Poncet, en Côte-d’Ivoire, et Clearstream bien sûr… Mon bureau a même été perquisitionné », confirme David Sénat. Il s’arrête un instant sur cette affaire Clearstream, qui a déchiré la droite ces dernières années, et sur le rôle de MAM qui, comme toujours, est parvenue à éviter toutes les balles. Ses révélations ne feront pas plaisir à tout le monde, surtout pas à celle qui l’a tant déçu, en le sacrifiant, lui, le fidèle conseiller sans états d’âme, sur l’autel de ses ambitions. Avant de chuter, elle aussi, vaincue par ses propres démons tunisiens – et ses insuffisances. « À partir du début 2006 et jusqu’à la présidentielle de 2007, on m’a demandé de bosser sur Clearstream, explique Sénat. À l’époque, MAM était ministre de la Défense. Sa hantise était que l’implication du général Philippe Rondot ne finisse par l’éclabousser. Déjà que certains sarkozystes disaient qu’il y avait un cabinet noir place Vendôme… Il fallait absolument faire apparaître que Dominique de Villepin avait traité avec Rondot directement, que l’on parle le moins possible d’elle. L’objectif était donc de saper la position de Villepin, et ce, dans le but de la protéger elle. MAM était bien sûr parfaitement au courant de tout cela, mais elle laissait le cabinet gérer. Elle ne met jamais les mains dans le cambouis, ce qui explique d’ailleurs son étonnante longévité à des postes régaliens. » Très vite, des procès-verbaux circulent, ils posent Sarkozy en victime des agissements de Villepin. La presse s’en fait l’écho…

David Sénat livre une autre anecdote édifiante, remontant au début du mois de juin 2010. « Je suis contacté par Jean-Pierre Picca, qui avait remplacé en février Patrick Ouart à l’Élysée comme conseiller justice de Nicolas Sarkozy. Il me dit : “Dis donc, David, pourrais-tu obtenir des éléments sur l’affaire Despallières ?” Cela ne me disait rien du tout. Alors, il me précise que c’est un type soupçonné d’un assassinat, qui présente la particularité d’être proche de l’avocat Olivier Metzner. » À cette date, Me Metzner n’est pas loin d’être considéré à l’Élysée comme l’homme à abattre. Le célèbre avocat, défenseur de Françoise Bettencourt Meyers, est par ailleurs le conseil de Dominique de Villepin, en faveur duquel il a obtenu en première instance, lors du procès Clearstream, une retentissante relaxe, en janvier 2010. « Sur le coup, je n’ai pas pensé à tout ça, se souvient David Sénat. Je me suis donc renseigné sur l’affaire. C’était vraiment glauque, on voulait à l’évidence attaquer la vie privée de l’avocat, alors j’ai fait comprendre à Picca qu’il ne fallait pas qu’il compte sur moi. Je n’ai plus eu de ses nouvelles, j’ai bien senti dès le départ qu’il était lui-même embarrassé. Manifestement, la commande venait de plus haut. Et, par souci de discrétion, plutôt que de solliciter la DACG [Direction des affaires criminelles et des grâces], ce qui eût été plus naturel, il avait essayé de passer par moi. J’ai oublié tout ça et puis, au début du mois de juillet, je découvre un article du JDD qui révèle toute l’histoire. Là, j’ai compris. Je me suis dit que le pouvoir était vraiment prêt à tout pour régler ses comptes. » De fait, à l’époque, alors que l’affaire Bettencourt venait d’éclater, plusieurs médias avaient été encouragés par des proches du Château à s’intéresser à cette affaire. Titré « Le gigolo, le testament et le paracétamol », l’article du Journal du Dimanche, paru le 4 juillet 2010, provoqua une vive réaction de Me Metzner, qui expédia un courrier au vitriol à l’hebdomadaire, dans lequel il dénonça une « manipulation ».

C’est dans ce contexte délétère donc que, au printemps 2010, éclate, ou plutôt explose, l’affaire Bettencourt. Le site Mediapart publie le mercredi 16 juin à l’aube les enregistrements clandestins opérés par le majordome de Liliane Bettencourt, Pascal Bonnefoy, au domicile de la milliardaire. L’Élysée, d’abord inquiet, est bientôt aux abois. Le Château compte sur Philippe Courroye, procureur de Nanterre, notoirement proche du chef de l’État, pour éteindre l’incendie. David Sénat est aux premières loges. C’est lui qui supervise, depuis le ministère de la Justice, les aléas de la procédure. Il n’a pas que des amis dans la sphère sarkozyste. L’un de ses proches, le commissaire divisionnaire Jean-François Gayraud, a été viré de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), l’entité née de la fusion de la Direction de la surveillance du territoire et des Renseignements généraux. Soupçonné d’avoir participé à l’enquête des services secrets sur les listings Clearstream, il est l’objet de la vindicte de Bernard Squarcini. Gayraud en sait beaucoup sur « le Squale », ses liens avec un homme d’affaires intrigant, Alexandre Djouhri, proche tout à la fois de Dominique de Villepin et de Claude Guéant… Le patron de la DCRI est un fidèle du premier cercle, convié chaque semaine à des réunions réunissant les « flics du président », à l’Élysée, autour de Nicolas Sarkozy et, jusqu’en février 2011, de son secrétaire général, Claude Guéant. Place Beauvau, David Sénat a déjà eu maille à partir avec Bernard Squarcini, imposé à sa ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie par Nicolas Sarkozy dès son élection, en 2007. Sénat sait que la DCRI l’a dans son viseur, surtout depuis que l’Intérieur veut réglementer le marché des sociétés de sécurité privées, milieu dans lequel Squarcini compte des amis. Pas question de commettre une erreur, donc.

Mais l’affaire Bettencourt se présente mal. « Philippe Courroye, qui gère l’enquête préliminaire, n’en fait qu’à sa tête, explique David Sénat. Il ne transmet des informations qu’à l’Élysée, en ligne directe. Même son supérieur, Philippe Ingall-Montagnier, procureur général de Versailles, est obligé de convier Courroye à dîner afin de lui extorquer, après quelques bonnes bouteilles, des éléments d’information sur la procédure ! Mon travail, c’est de savoir ce qui se passe. Je dois donc aller aux renseignements. » Se joue à ce moment-là une guerre feutrée, entre les proches de Nicolas Sarkozy, qui redoutent les évolutions de l’enquête, et les troupes de Michèle Alliot-Marie, qui tentent de faire leur métier sans trop se mouiller, et si possible en évitant d’entrer dans des considérations politiciennes. Tant bien que mal, David Sénat se fait transmettre des pièces de procédure. Et gère le reste de la boutique, dans la tension la plus extrême. Les relations avec les journalistes font partie de sa mission. Il les « traite », selon l’expression consacrée à cette part obscure du métier de conseiller technique. Et il lui arrive, en retour, d’obtenir de précieux renseignements. Au cabinet de Michèle Alliot-Marie, personne ne se précipite pour lui donner un coup de main. Sénat fait le métier, et cela semble arranger tout le monde. En apparence, MAM affecte de laisser la justice travailler. Mais, dans ce domaine, ne rien faire, c’est déjà agir. Ainsi, elle prend bien garde de ne pas demander l’ouverture d’informations judiciaires, ce qu’elle pourrait pourtant faire. Car saisir un ou plusieurs juges d’instruction, cela signifie lancer des enquêtes indépendantes, avec tous les risques que cela comporte. Mieux vaut laisser l’affaire pourrir, sous le contrôle d’un parquet institutionnellement inféodé à l’exécutif, et en l’espèce dirigé par un proche du président. Secrète par nature (aucun avocat n’y a accès), l’enquête préliminaire présente en outre l’avantage de limiter les risques de fuites gênantes. Mais les dispositifs les mieux huilés présentent des failles.

Dans son édition datée du 18-19 juillet 2010, Le Monde publie un long article qui révèle le contenu des principales déclarations de Patrice de Maistre, placé en garde à vue quelques jours plus tôt. Ses propos, consignés sur procès-verbal, mettent à mal la défense d’Éric Woerth, qui s’attend à être convoqué d’un jour à l’autre. En quelques mots, tout est dit du renvoi d’ascenseur opéré par M. de Maistre. Il a bien embauché Florence Woerth pour « faire plaisir » au trésorier de l’UMP. Ce dernier a permis à ce gros contributeur financier de l’UMP qu’est Patrice de Maistre d’obtenir la Légion d’honneur. Panique à l’Élysée et au cœur des plus hautes instances judiciaires. Comment Le Monde a-t-il pu obtenir aussi rapidement ces extraits de procès-verbaux fort dérangeants, alors que tout a été précisément prévu pour qu’il n’y ait aucune fuite ?

Nicolas Sarkozy entre dans une violente colère lors du week-end du 17-18 juillet. Il ordonne que soit identifié l’auteur des fuites. Frédéric Péchenard, son directeur général de la police nationale, un ami d’enfance du président, est mis dans la boucle. Tout comme Claude Guéant, qui somme alors Bernard Squarcini de se livrer à une rapide enquête. À la DCRI, celui-ci dispose de tout l’attirail technique pour géolocaliser les téléphones portables intéressants, et il peut compter sur une petite équipe soudée, vouée aux besognes discrètes. Très vite, il est orienté vers David Sénat, à qui il ne veut pas que du bien. À en croire Squarcini, un magistrat et un journaliste l’auraient mis sur la piste du conseiller technique. Mais il faut s’appuyer sur du concret. La DCRI commet alors une erreur majeure : elle se procure les factures téléphoniques détaillées de David Sénat auprès de l’opérateur téléphonique Orange, en dehors de toute procédure judiciaire. Elle trouve la trace d’appels entre le conseiller technique et l’auteur de l’article publié par Le Monde. De fait, le numéro de téléphone du journaliste apparaît à de nombreuses reprises sur les listings. Mais, ce faisant, la DCRI prend un risque considérable. Celui d’être en porte-à-faux avec une loi, pourtant votée par la majorité en janvier 2010, dont l’article 1 consacre comme un principe général le droit pour le journaliste à la protection de ses informateurs, en prévenant toute « atteinte directe ou indirecte » au secret des sources, « sauf impératif prépondérant d’intérêt public », et précise que, en tout état de cause, le journaliste ne pourra pas être mis en demeure de révéler de qui il tient ses informations. Votée à l’initiative du gouvernement Fillon, défendue au Parlement en décembre 2009 par… Michèle Alliot-Marie, cette loi, très imparfaite, avait au moins le mérite d’exister. Les services de renseignements vont, bien involontairement, montrer son inadéquation. En attendant, David Sénat va faire les frais de l’opération.

« Le lundi 26 juillet, François Molins, directeur du cabinet de MAM, reçoit un coup de fil alors que je suis à côté de lui, lors d’une réunion, se souvient David Sénat. Il me regarde sans me regarder, je sens qu’il y a un truc, j’ai l’intuition que ça me concerne. Après la réunion de cabinet, il me dit : “Je suis ennuyé, il y a des éléments qui établissent que tu as des relations avec le journaliste du Monde.” Il ajoute : “J’ai eu Frédéric Péchenard, il m’a parlé de conversations téléphoniques.” Molins me laisse par ailleurs entendre qu’il y a eu une enquête de la DCRI. Il me dit aussi que Claude Guéant a eu MAM à ce sujet au téléphone. Je lui réponds que le journaliste, bien sûr que je le connais, que je le traite. Et alors ? Lui me dit : “C’est une faute déontologique.” Moi je lui réponds : “Mais il n’y a pas de faute, c’est normal de voir les journalistes.” »

En sortant du bureau de François Molins, David Sénat, passablement tourneboulé, tente de faire le tri entre ses émotions. Remonte le fil de l’histoire. Des coups de fil du journaliste du Monde ? Oui, il en a reçu, et plusieurs. Ont-ils pour autant valeur de preuve ? Peut-on incriminer un homme sur la base de simples factures téléphoniques, obtenues de manière plus que discutable, et qui, en outre, ne permettent pas d’étayer la thèse de la transmission des procès-verbaux ? Dans l’après-midi, il est convoqué chez MAM. « Ça se passe de façon étrange, puisqu’elle me parle d’abord de ma carrière. C’est la première fois qu’elle le fait depuis sept ans. » À sa façon, froide et distante, sourire de façade, elle lui assure d’emblée : « Je suis soucieuse du reclassement de mes collaborateurs, je tiens à ce que vous ayez un déroulement de carrière normal. J’ai pensé à vous faire nommer procureur général à Cayenne où je crée une cour d’appel. » Cayenne. Le bagne. Le symbole est fort, tout de même ! David Sénat souhaitait quitter le cabinet depuis quelque temps déjà, mais jamais la ministre n’avait songé à lui trouver un poste intéressant. « Elle ajoute que cela va se faire très vite, que tout doit être bouclé avant la fin de l’année, relate David Sénat. Elle semble très mal à l’aise. Je lui réponds que ce n’est pas simple, que cela me pose des difficultés familiales. Puis, enfin, elle me demande : “C’est quoi cette histoire avec le journaliste du Monde ?” Je lui réponds, en employant le pronom personnel indéfini exprès : “On le connaît très bien, on travaille avec lui depuis longtemps.” Je lui explique que c’est quelqu’un que je rencontre régulièrement sur divers sujets. Elle fait l’étonnée : “Ah bon ?” Je lui dis que c’est d’autant plus important que, dans cette affaire Woerth, on n’a pas eu beaucoup de remontées d’infos, que Courroye joue “perso”, etc. Je lui fais aussi observer qu’un journaliste ne fait pas que recueillir des informations, il en donne aussi. Elle me dit : “Mais il est quand même très bien informé, quelles sont ses sources ?” Je lui dis que, comme tout bon journaliste qui se respecte, il a plusieurs sources, mais que je ne les connais pas et que je n’ai jamais cherché à les connaître. J’ai failli lui dire : “Et du temps de Clearstream, Michèle, tu ne te rappelles pas ? Là, la publication de PV dérangeants pour Villepin, ça ne te gênait pas…” Avec le recul, je m’en veux de ne pas lui avoir balancé ça à la figure. »

La conversation porte maintenant sur les relations du conseiller avec le journaliste du Monde. MAM se fait insistante. « Je lui rappelle qu’on était à la ramasse dans cette affaire. Je lui dis que j’ai fait croire au journaliste qu’il ne fallait pas extrapoler à partir des seules déclarations de Patrice de Maistre. Elle me répond, guère convaincue : “Oui, mais c’est quand même extraordinaire de voir la rapidité avec laquelle sortent les PV.” J’insiste encore sur le fait que les journalistes ne se contentent pas d’une source, surtout au Monde. Elle semble frustrée, s’attendant sans doute à ce que je m’allonge. La discussion, au cours de laquelle elle a pris toutes les précautions pour ne pas évoquer la DCRI ou le recours aux fadettes, finit par tourner en rond. » La ministre de la Justice met un terme à cet entretien surréaliste sur cette magnifique antiphrase, à l’adresse de son collaborateur : « Je vous garde ma confiance. »

David Sénat ne se sent guère rassuré. À sa sortie du bureau ministériel, François Molins lui glisse, à propos de sa nomination à Cayenne : « C’est vu avec Guéant, il n’y a pas de problème. » « Il n’avait pas compris à qui il avait affaire, soutient David Sénat. Et lorsque je lui demande si l’info de ma mutation ne va pas fuiter, il me dit que non, que là encore tout est calé avec Guéant. » Il croise ensuite Ludivine Olive, qui semble elle aussi bien au fait de l’enquête de la DCRI. Le 26 juillet, Alexandre Jevakhoff fait rédiger une décision, signée par la Direction des services judiciaires, qui entérine la nomination du conseiller à Cayenne, en résidence à Fort-de-France, en Martinique. « Il me dit qu’il faut que je trouve immédiatement une école pour les enfants, que je dois être à Fort-de-France le 1er septembre ! On m’interdit par ailleurs d’être en contact avec le journaliste du Monde. » David Sénat se trouve dans une situation impossible. Il a des soucis familiaux, l’un de ses fils ayant une santé particulièrement fragile. Et puis, pour sa femme, juriste, pas question de quitter son poste, pour aller si loin, si vite. Il part en congés comme prévu le 4 août. De son lieu de villégiature, il appelle Molins pour lui signifier clairement son refus de partir sur-le-champ à Fort-de-France. « Il me dit : “Je comprends tout à fait, tu as raison.” Pour rappel, j’avais demandé auparavant des postes à Beauvais, Auxerre, voire Douai. Sans succès. »

Début septembre, au retour des vacances, catastrophe : l’affaire Sénat éclate publiquement, relayée par le nouvelobs.com et L’Express. La Chancellerie, comme à son habitude, tente de maquiller sa gêne : M. Sénat avait « depuis plusieurs mois émis le souhait d’être chargé de la mission de préfiguration de la cour d’appel de Cayenne, ce qui avait été accepté » par Mme Alliot-Marie, déclare à l’Agence France-Presse le porte-parole du ministère de la Justice, Guillaume Didier. « Cette mission commençant le 1er septembre, il a donc quitté le cabinet à cette date, ajoute-t-il, dans un parfait exercice de langue de bois. Pour autant, il est évident que, dans le contexte actuel, s’il était encore au cabinet, il aurait été suspendu de ses fonctions le temps que cette affaire soit éclaircie, Michèle Alliot-Marie ne souhaitant pas que des soupçons puissent peser sur un membre de son cabinet. »

Les bruits les plus fantaisistes courent sur le conseiller Sénat. À l’Élysée, on laisse ainsi filtrer que la transmission des PV a été effectuée sur ordre du cabinet de la garde des Sceaux, dans le but d’évincer Éric Woerth, éventuel rival de MAM dans la course à Matignon. Une accusation sans fondement, selon David Sénat : « C’est complètement faux, je n’ai jamais eu d’instructions du cabinet en ce sens. Au contraire, la ligne fixée par la garde des Sceaux, que je défendais, c’était de relativiser au maximum l’implication d’Éric Woerth. MAM n’avait aucune stratégie politique dans la gestion de ce dossier, elle n’a jamais fait ce genre de chose dans sa carrière. Elle était simplement informée des évolutions de l’affaire, par des notes de synthèse. »

Mais il faut charger la barque. Et couler définitivement David Sénat. Celui-ci a fait preuve d’une certaine imprudence, d’un point de vue administratif du moins, dans un autre dossier. Il va la payer au prix fort. C’est l’affaire Visionex. L’automne 2010 est terrible. David Sénat est en dépression. Tous ceux qui naguère le courtisaient lui ont tourné le dos. Un grand classique. Il lui reste sa famille, son avocat, quelques amis. Et son psy. Le mardi 28 septembre, il est placé en garde à vue dans les locaux de la brigade de répression du banditisme (BRB). On ne lui épargne rien. Il en ressort deux jours plus tard, pour, dans le bureau d’un juge, être mis en examen pour « complicité d’infraction à la législation sur les jeux ». Il lui est reproché d’avoir facilité les desseins de Visionex, une société suspectée de fabriquer des bornes internet permettant de réaliser des paris clandestins. Aucun enrichissement personnel ne peut lui être imputé. Mais, au cabinet de MAM, il est exact que le conseiller a contourné sa hiérarchie, estimant que celle-ci faisait fausse route dans son appréciation du dossier. Pire, lors d’écoutes téléphoniques réalisées par les policiers de la BRB, ceux-ci l’entendent déprécier leur travail. Ils ne lui font donc aucun cadeau. « Peut-être ai-je fait preuve d’une certaine imprudence, d’une relative naïveté, concède-t-il. Voire d’un manque de discernement. Mais tout cela, je le rappelle, venait à l’origine d’une intervention de Rachida Dati, je devais traiter ce dossier… »

Déchargé de ses fonctions à la Chancellerie, mis en examen, David Sénat est à deux doigts de sombrer. Mais l’homme est combatif. Le 17 octobre 2010, il entend, ébahi, le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux tenir des propos particulièrement imprudents au cours de l’émission « Le Grand Jury » RTL-LCI-Le Figaro. Interrogé sur les conditions dans lesquelles David Sénat avait été identifié par les services du contre-espionnage comme source possible du Monde dans l’affaire Bettencourt, le ministre répond qu’« un haut fonctionnaire, magistrat, membre de cabinet ministériel, ayant donc accès à des documents précisément confidentiels, alimentait, selon ces sources, vérifiées, un journaliste sur des enquêtes ». « Ça tombe sous le coup du non-respect du secret professionnel », tranche M. Hortefeux. Les propos du ministre de l’Intérieur tombent, eux, de manière beaucoup plus évidente, sous le coup de la loi : l’atteinte à la présomption d’innocence semble flagrante.

L’ex-conseiller s’interroge. S’en prendre à Brice Hortefeux, c’est agresser l’un des plus proches amis du président de la République. Un geste fort, d’autant que le ministre de l’Intérieur est déjà sous le coup d’une première condamnation judiciaire pour « injure raciale », prononcée le 4 juin 2010 suite à ses propos sur les Arabes (« C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes », avait-il déclaré). David Sénat se souvient : « Je prenais des coups depuis trois mois, j’étais comme un boxeur au onzième round, saoulé de coups, au bord du K-O. Il fallait riposter. Je me suis substitué à MAM, qui n’a pas assumé sa charge de garde des Sceaux, elle aurait dû me défendre. Hortefeux incarnait la procédure illégale des services secrets. Et puis, je voulais aussi montrer à ma famille que j’étais encore vivant. »

Le 19 novembre 2010, il assigne le ministre de l’Intérieur en référé, pour « atteinte à la présomption d’innocence », et lui réclame 10 000 euros de dommages et intérêts. Faut-il y voir un rapport de cause à effet ? En tout cas, le 15 décembre 2010, David Sénat est à nouveau placé en garde à vue, cette fois dans les bureaux de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), dans le cadre de l’enquête préliminaire du parquet de Paris sur les fuites dans l’affaire Bettencourt. Il passe une nuit avec les policiers. « Ils ont été corrects avec moi. S’ils m’ont placé en garde à vue, c’est parce que j’ai refusé de m’expliquer. J’ai tout simplement dit que cette enquête de la DCRI était entachée de graves irrégularités. Peut-être que le pouvoir en a profité pour en remettre une couche sur mon dos… »

Il tient sa revanche le 17 décembre 2010. Ce vendredi-là, Brice Hortefeux est condamné à 1 euro de dommages et intérêts pour atteinte à la présomption d’innocence de David Sénat, six mois donc après une première condamnation pour injure raciale. Pour un ministre de l’Intérieur, ça la fiche tout de même mal… Les propos de M. Hortefeux étaient « attentatoires à la présomption d’innocence de David Sénat », assure le jugement. Le tribunal juge que, « par les propos qu’il a tenus, Brice Hortefeux a manifesté, de manière explicite et non équivoque, une conviction tenant pour acquise la culpabilité de David Sénat ». « Il l’a exprimée dans des conditions ne pouvant laisser subsister aucun doute sur cette culpabilité dans l’esprit des auditeurs », poursuit le jugement – dont M. Hortefeux a fait appel. David Sénat est par ailleurs débouté dans une action en référé intentée contre Le Figaro, qu’il accusait également d’avoir attenté à sa présomption d’innocence. Mais la décision est paradoxalement très favorable au magistrat. Le quotidien avait écrit le 6 novembre 2010 que Michèle Alliot-Marie avait été fragilisée dans la course pour Matignon « par la démission de David Sénat », qui « donnait des informations sensibles à la presse ». Le tribunal a relevé l’absence d’éléments de contexte dans cette phrase, mais a jugé, très malicieusement, « qu’un conseiller exerçant ses fonctions dans un cabinet ministériel peut légitimement être appelé à fournir des informations, le cas échéant sensibles, à des journalistes ».

Intéressant. Voire même décisif pour David Sénat. Car le combat du magistrat ne fait que commencer. Il suit avec attention les initiatives procédurales du Monde, qui entend faire acter en justice que l’enquête menée par la DCRI, à l’encontre de l’ex-conseiller et de sa relation journalistique, était hors des clous. « Je donnerai toutes les explications qu’il faut devant la justice », assure David Sénat.

Il attend encore un hypothétique poste, à l’étranger. À la Chancellerie, on lui a fait comprendre que Michel Mercier, l’actuel garde des Sceaux, n’était pas pressé de lui trouver une porte de sortie honorable. David Sénat sent toujours le soufre. Il ne fait définitivement pas partie du clan. Il a suivi de loin la disgrâce de Michèle Alliot-Marie. Sans vraiment s’en réjouir. « Elle m’a déçu, je ne le cache pas. Elle a joué à “même pas mal”, en faisant semblant de croire que mon affaire ne la touchait pas. Si elle avait fait preuve de courage politique, en disant à Sarkozy que l’enquête de la DCRI était illégale, en défendant ses valeurs gaullistes, elle aurait montré une vraie force, elle se serait posée en recours moral. Mais tout est tellement cloisonné autour d’elle, elle ne sait pas communiquer. Elle s’est écrasée, et mise en position de faiblesse. »

Comme un sentiment de déception, presque affective. « Oui, je lui en ai voulu. Elle ne m’a jamais donné signe de vie. Alors que je me suis dévoué à elle pendant sept ans. J’ai pris des coups pour elle, j’en ai oublié ma carrière. J’en conclus qu’en fait, il n’y a pas de contenu chez MAM, pas de valeurs. » David Sénat, ou l’histoire d’un conseiller ministériel qui en savait trop sur les « affaires », et pas assez sur les mœurs politiques.

Sarko M'a Tuer
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